L' Enfer ou Les psychiatres
J'ai été admise à la clinique du Coteau à Claix sous la menace : mon père m'a avertie : " soit tu signes, soit on te fait interner de force. Et là tu rigoleras moins."
Je ne connaissais pas mes droits. Ca a été très facile pour eux.
J'avais 21 ans.
L'infirmière qui nous accueillit avec un sourire appuyé demanda si c'était ma mère qu'on faisait interner.
Elle était ma "soignante attitrée" : elle ne me quitta plus jusqu'à la fin du séjour.
Je remarquai qu'elle boitait, et que beaucoup d'infirmiers du secteur psychiatrique semblaient souffrir d'une infirmité.
(On ne voulait pas d'eux ailleurs ? )
La première agression eut lieu peu de temps après mon arrivée : une infirmière que je n'aimais pas fit irruption dans ma chambre, alors que j'étais aux toilettes ... Elle cria alors mon nom, et je lui répondis en gueulent aussi fort ; malgré ça, elle essaya d'ouvrir la porte, puis utilisa son passe pour ouvrir les WC.
J'étais humiliée. Elle était face à moi et affichait un sourire triomphant, et continuait à me regarder.
Je lui dis quand même qu'elle n'avait pas à ouvrir ; Elle répondit simplement qu'elle ne m'avait pas entendue ...( facile.)
Cet épisode m'avait choquée énormément : j'avais compris qu'ici, rien n'était normal ...Ce n'était pas l'extérieur...
Le premier jour, alors que j'allais téléphoner, une infirmière me saute dessus par derrière, violemment ,( un véritable placage de rugby ): j' ai failli tomber, puis je me relève et elle me ceinture fermement, immobilisant mes deux bras.
(La même infirmière dont la jeune anorexique se plaignait des gifles qu'elle lui donnait pour la faire manger. Elle m' avait aussi expliqué qu' elle sortait de sa chambre après plusieurs semaines d' enfermement : c' est comme ça que les psychiatres la faisaient manger, par chantage : elle devait atteindre un certain poids, pour qu' on lui ouvre la porte de sa chambre. Toute communication avec la famille était soumise à chantage aussi.)
J'ai peur ; pour me dégager, je lui donne une gifle du bout des doigts ; elle appelle les autres qui, à ma grande stupéfaction me saute dessus à six-je suis considéré comme une menace-tous les hommes me trimbalent dans le couloir, me tenant par les poignets et des chevilles, puis me larguent sur un lit ;
trois infirmières restent ; j'essaye de leur parler, de leur faire comprendre que c'est un malentendu-elles n'écoutent pas-j'essaye de me montrer très calme, pour qu'elles voient que je ne suis pas dangereuse ; à l'intérieur, je suis affolée, terrifiée ! -que va-t-il m'arriver? mes mains tremblent, je m'attends au pire ; que vont-ils faire de moi ?-ils sont tous les droits ; je voudrais un témoin, je voudrais appeler au secours -papa, maman, où êtes-vous ? pourquoi m' avez-vous laissée ici?...
Quelqu'un ! Au secours !
Ils peuvent tout faire, je suis à leur merci ; ils ne veulent pas m'écouter ; ils ont déjà pris une décision - l'électrochoc !... Tout peut arriver.
Ils peuvent me tuer s'ils veulent; et ce qu'ils peuvent me tuer? -est-ce que leurs traitements peuvent tuer ? et ce qu'ils en ont le droit?
mais alors ma famille dirait quelque chose -ils ne peuvent pas me laisser la- je suis sûr qu'ils vont arriver-je suis sûr qu'ils sont là-
, ils vont empêcher ça ! ce n'est pas eux que j'entends ?... Ou alors il vont téléphoner... Ils ont sûrement déjà téléphoné, pour prendre des nouvelles ! NE
M'ABANDONNEZ PAS ! J'ai peur.
Mais ça ne se voit pas ; ils ne le voient pas ; je parie que comme ça, j'aurai une chance de m'en sortir. Leurs visages sont fermés ; ils ont l'air décidé. Le pire m'attend. Le pire !
Châtelaine (le psychiatre) arrive, furieux, il m'attrape brusquement par le cou, regard fixe et mâchoires crispées, il grogne : « J'aime pas qu'on maltraite le personnel »- il me fait mal - d'un geste brusque il me pousse en arrière et me balance sur le lit - Sa main a en fin lâché mon cou. Je suis sidérée ; je n'ose plus bouger.
Mon corps s'est pétrifié, mes mains sont crispées, mes bras fléchis. Je dois avoir l'air ridicule. Les idées se bousculent dans ma tête. Je n'arrive plus à fixer mon attention sur quoi que ce soit ; je ne pense plus de façon cohérente.
Je ne peux que constater que ma bouche est ouverte, mes mains glacées, les yeux écarquillés, je dois avoir l'air con ! La question est : les infirmières me regardent ; je dois me contrôler ; j'y arrive ; c'est bien.
J'ai fermé la bouche ; j'ai l'air normal ; je suis pétrifiée et j'ai l'air presque normal.
« Voilà, calmez-vous. » Elle me sourit presque. J'essaye de me convaincre que tout va bien ;
D'autres arrivent ; des hommes. Obéissant aux ordres, en un mouvement, on m'arrache mon pantalon ; puis mon slip. À plusieurs, il me maintiennent comme ça, les jambes légèrement écartées, pas complètement sur le dos. Il y a maintenant au moins sept personnes dans la chambre ; dont trois hommes. Et je suis horrifiée. Je ne comprends pas ce qui arrive ; je suis en état de choc.
Je les regarde rapidement tour à tour, pour vérifier qu'il ne regardent pas mon entre-jambes.
Je suis horrifiée.
Je n'ai jamais vu la plupart des gens qui sont là. Je me demande pourquoi ils sont ici : manifestement, leur présence superflue. Plus tard, un reste d'ironie fera penser qu'il s'agissait peut-être du chauffagiste ou du cuisinier, qui ont plus de Campo (un psychiatre), sont venus se rincer l'oeil.
Châtelaine lui, s'est empressé de sortir : il connaît bien mes parents et ne voudrait pas que je leur raconte qu'il m'a regardée ; je m'attends alors à la sortie des autres hommes, mais ils restent, fidèles aux habitudes du service, et ils comptent bien s'en mettre plein la vue.
Ils se plaignet toujours du manque de personnel, et là, ils sont plusieur dizaines, juste pour me regarder...
Je voudrais demander ce qu'ils font là. Je vais le demander. Mais non ; je ne peux pas. Je ne peux plus parler !
Une vague de désespoir m'envahit, j'ai envie de pleurer. Terriblement. J'arrive de justesse à retenir mes larmes ; je mets du temps à me calmer. Je les regarde. Je suis crispée mais j'ai l'air normal ;... Il sourientt tous. Je m'appuie sur leur sourire pour me convaincre que tout va bien. Je m'arrête sur le regard bienveillant de la boiteuse ; mais une lueur dans ses yeux me gêne. Une lueur d'excitation. Je ne comprends pas. Je les regarde. Ils ont tous des sourires nerveux ; excités.
Ils arrivent un à un dans la chambre et semble se congratuler les uns les autres. Leur sourire sont maintenant irrépressibles. ; il devienne des rires ;
après un silence trop long, certains d'entre eux font des plaisanteries qui permettent à tous d'expriméerce rire qu'ils retenaient difficilement, cette joie qui venait du plus profond d'eux, et qu'il laissaient enfin éclater. Après avoir trouvé leur sourire apaisant, je sens la tension monter et un profond malaise m'envahir : leur jouissance malsaine, d'abord invraisemblable à mes yeux m'apparaît clairement...
La chambre est pleine d' hommes qui me matent.La chambre est bourrée. Ils font la queue jusque dans le couloir. Dans le silence, l' un d' eux lance à un qui est dans le couloir : " Tu veux voir ? Attends, je vais sortir, tu vas pouvoir rentrer."
C'est donc POUR CELA qu'ils font ce métier si dur. (Je n'avais jamais compris leur vocation), ce moment-là, pour ce moment précis où ils pouvaient jouer intensément de la puissance qu'ils avaient sur un pauvre être terrorisé du réduit à subir leur manipulation avilissante, leurs traitements agressifs et leur regard voyeur.
Ils me fixaient tous et ne parlaient pas.
Je regarde leurs yeux et je n'en doute plus.
Certains détournent la tête, ou perdent leur sourire, quand je les regarde droit dans les yeux. Certains, au bout d'un moment, ressortent.
Il entrent et sortent, assistent et se congratulent.
Cela a duré longtemps . 20 minutes. « On attend la piqûre »-« Ça va ?» je voyais le sourire faux de la boiteuse- mon infirmière attitrée ; elle m'a même pris la main, je crois ; elle était froide ; ça m' a gênée parce que j' étais trempée de sueur ; je me suis accroché un instant à ses yeux, la bouche ouverte, avant de réaliser que j'avais l'air con et de me reprendre.
Il rient. Ils jouissent librement, derrière leur statut de "médecins" ou d' "infirmiers".
Les femmes m'apparaissent comme des mères maquerelles offrant un cadeau à ces putains de mecs lâches et voyeurs.
Leur joie est aussi intense que celle des hommes. Je ne comprends pas.
Je me sens VIOLEE.
Humiliée, bafouée, salie.SALE;SALE;JE SUIS SALE.
Mais immédiatement je me dis que ce n'est pas possible de leur part, que je me fais des idées.
Pendant ce temps, ils continuent d'affluer.
Je dois m' ôter ces idées de la tête : ce sont des médecins sérieux. Ils sont là pour te soigner. Ils en ont vu bien d'autres.
Puis je culpabilise d'avoir eu l'idée pareille. À la fin j'essaye de convaincre du contraire et me raccroche à ça pour tenir le coup.
... Mais au fond, je savais que c'était celà.
( Hélas, dans notre société, ce sont les psychiâtres qui donnent la définition du viol ! )
Enfermée à clé pendant huit jours - était-ce plus, était-ce moins ?- je me trouvais dans un état semi-comateux par leurs bons soins , je ne pouvais pas bouger un doigt ni ouvrir la bouche ; déglutir était pénible, et mes seuls mouvement se réduisaient à l'ouverture d'une paupière à la fois, et si la motivation était forte : par exemple quand quelqu'un entrait ; je voulais alors le supplier de prendre pitié de moi ; mais mes efforts pour ouvrir la bouche étaient vains.
Quelquefois alors mes larmes coulaient. Je croyais que j'allais crever. Les doses étaient trop fortes. À la limite de ce que mon organisme pouvait supporter sans flancher définitivement, pensais-je.
Je respirais difficilement et craignais de ne pouvoir durer longtemps à ce rythme.
Désespoir et révolte me submergeaient régulièrement.
(Les mesures prises étaient manifestement disproportionnées par rapport à ma "dangerosité" ).
J'étais dans cet univers clos et calfeutré, avec une fois toutes les quatre heures (?), l'émergence d'un individu en blouse blanche, toujours différents, qui sans dire un mot me retournait et me piquait le cul ; puis je replongeais dans ma solitude, cette ambiance neutre, stérile...
Une fois ils sont venus à deux ; la jeune interne présente s'est exclamée, en voyant mon état, et avec une réelle compassion : " merde, ils sont dingues ! T' as vu où ils la piquent ! C'est dangereux. "
Les piqûres étaient tellement nombreuses, qu'il n'y avait plus aucune place pour les faire.
Je savais qu'il fallait éviter le nerf sciatique ; je m'imaginais paralysée à cause de ces cons. J'étais terrorisée. Puis une révolte énorme s'empara de moi. Aucun son ne le leur a révélé, mais j'aurais pu à ce moment à tous les tuer.
Une autre fois, un autre, qui parlait tout seul, fit :" merde, où je vais piquer, moi ? je peux pas." J'avais peur....
Et plusieurs autres après :" comment on va faire, il y a plus de place. Là, on peut pas... Attends, je vais essayer ici."...
Certaines filles ont très peu d'intérêt pour la situation.
Sans nouvelles de ma famille, sans renseignements, pensant rester là définitivement. (Désespoir ) ; peur de mourir (Trop fortes doses) à l'insu ( indifférence ?) de ma famille. Je rêvais que j'appelais au secours ( je ne pouvais pas parler, indiquer ma détresse, tout mon être tentant désespérément d' alerter, la bouche ne pouvant émettre aucun son. Je priais pour qu'un visage familier apparaisse à la porte, pour qu'on ne m'ait pas oubliée, délaissée, abandonée ; j'appelais silencieusement, de tout mon être ; je peinais pour ouvrir les yeux le plus souvent possible, pour ne pas rater la venue d'un sauveteur, mais je ne voyais rien, et ma vue se troublait ; les larmes coulaient alors comme un flot gigantesque qui ne s'arrêtait plus ;
Je m'enfonçai encore un peu plus dans le désespoir ; c'était la tempête dans ma tête ; j'aurais voulu hurler ; je ne pouvais pas croire qu'on donne ce pouvoir à ces malades.- ces frustrés aux jugement vacillant- . Tout pouvait m'arriver ; je voulais un Témoin, quelqu'un d'extérieur ; le jugement de quelqu'un de sain sur cette situation.
Mais j'étais prisonnière d'eux. -et apparemment ils arrivaient à imposer leur jugement aux autres ( mon entourage...).
J'ALLAIS CREVER ICI.-et ça arrangerait tout le monde ; qui avait quoi que ce soit à faire de moi ?)
LA question était : combien de temps fallait-il que avant que mes parents ne réagissent et demandent à me voir ? (ils ne pouvaient pas feindre encore longtemps de croire au manège des psychiatres). Même les pires monstres à leur place se seraient déjà souciés du sort de leur enfant.
-en écrivant ces lignes aujourd'hui encore j' ai peur : c'est dur, très dur.-
Les allées et venues se succédaient, sans qu'aucun de ces IMPITOYABLES médecins ne m'adresse la parole.( Pas plus de renseignements que de réconfort...)
Ces GENS ont-ils réellement pour souci l'amélioration de l'état psychologique de ceux qu'on leur envoie ?-Si oui, pourquoi tellement de tortures, engendrant des souffrances indicibles qu'on devra porter le reste de sa vie.( Six ans après, je revis ça toutes les nuits...je ne dors pas...je crie ...)
Mais j'avais déjà remarqué (comme tout le monde) la grande indifférence que montre la moyenne des médecins face à la souffrance des malades (des objets) !...
Les médecins deviennent-ils fous et insensibles à force de voir la souffrance et la mort ?... Mais dans le domaine de la psychiatrie, où les égards devraient logiquement être plus grands, où la prise en compte de la souffrance morale devrait être plus importante,... c'est pire encore !, et comble même, je ne crois pas me tromper en disant qu'ils en montrent de la jouissance...
Le "psychiatre fou" n'est pas un mythe.
Pendant tout le temps qui m'a séparé de ce passage de ma vie, je me suis demandée si cela n'avait pas été que la partie émergée de l'iceberg : le maintien de cet état n'avait-il pas été nécessaire à l'administration d'électrochocs, ni vu, ni connu ! ( Je savais que dans ce cas , les dégâts dans le cerveau, avaient pour conséquence une amnésie qui en efface tout souvenir chez le patient.)
En effet, quand je me réveillai, beaucoup plus tard, j' avais de la " colle" dans les cheveux : le gel pour fixer les électrodes ?
Ma mère, pédiatre, m' avait appris que les électrochocs brûlaient les neurones.
Mais je ne voulais pas penser à ça : je décidai de tirer un trait là-dessus, pour garder un moral acceptable, et avoir une chance de sortir d' ici.
Car c'est encore l'usage, hélas, en France.
De plus, je sais que Chatelaine était très attaché à ces bonnes vieilles méthodes.
Si c'était le cas, mes parents le savaient-ils ?
Et quelles bonnes raisons leur avaient-ils données pour qu'ils trouvent naturel qu'on ne puisse pas me voir pendant huit jours, dans ces circonstances ?
Je n'arrivais pas à croire à ce qui se passait !
J'ai passé les jours suivants dans un état semi-comateux soigneusement entretenu par leurs soins.
J'étais terrorisée d'être prisonnière de ces fous, mais rien ne transparaissait : je restais de marbre face à eux.
Je n'avais aucune idée de ce qu'ils comptaient faire de moi .
Mon obsession était : SORTIR .
Je m'écrasais et faisais tout pour ne pas les contrarier, et subir pire encore.
Je craignais qu'ils ne m'aiguillent vers une "structure spécialisée" - spécialisée en quoi ? - d'où je ne sortirais peut-être jamais.(TOUT leur était possible ).
J'avais un espoir de m'en sortir, mais je savais que ce serait long : les jours, les semaines, les mois passaient, interminables, sans qu'ils répondent jamais à mes questions sur mon devenir : eux n'étaient pas pressés ...
J'étais assommée de médicaments dont mon père, (professeur de thérapeutique), avait fait remarquer qu'ils n'étaient plus utilisés dans les autres disciplines médicales depuis 1945 ...
Lors d'une "permission" que j'ai eue pour le week-end, au bout de plusieurs mois, ( je ne pouvais par marcher : j'étais un légume ; c'est mon frère qui me sortit de la voiture...) j'ai eu la "chance" de faire une grave crise d'épilepsie à la maison.
Je n'ai bien sûr jamais été épileptique, et c'est leurs médicaments surdosés que je prenais depuis trop longtemps qui ont provoqué cet "accident".
Le problème est qu'une telle crise provoque une amnésie qui fait que si j'avais fait précédemment des crises à la clinique, je n'en aurais eu aucun souvenir, et qu'ils ne s'en seraient pas vantés . ( Si toutefois ils s'en étaient aperçus : j'étais enfermée, seule, nuit et jour . )
Bien sûr, ces crises graves peuvent avoir des conséquences sur le cerveau.
Mes parents, médecins, (des vrais ! ) ont eu peur et ont fini par me retirer de la "clinique"après 3 mois de torture.
Je voulus dire à ma famille combien j' étais contente d' être là, mais seule de la bave sortit de ma bouche ...
Immédiatement après mon agression, j'avais eu droit à un test psychologique : une psychologue venue de l'extérieur m'invita à la suivre dans une pièce grande comme un placard à balai et m'expliqua que j'allais passer deux après-midis de tests psychologiques.
J'avais envie de l'agresser comme ils m'avaient agressée.
Elle était petite et je me dis que je pouvais facilement la passer par la fenêtre.
Je ne risquais pas de faire les tests !
Puis je me raisonnai : si en plus je ratais les tests, je risquais de me retrouver aiguillée vers une institution pour débiles mentaux, sans que le monde réel n'ait plus jamais de nouvelles de moi.
Je me calmai tout-à-fait en me disant qu'elle était extérieure à l'établissement, et n'avait rien à voir avec tout ça .
Elle avait l'air normale.
Un instant, l'envie me prit de lui dire que j'étais maltraitée et je voulais lui demander de m'aider à sortir.
Puis je redevins réaliste et décidai de me taire : que voudrait-elle, que pourrait-elle faire pour moi ?
Elle attaqua en me demandant pourquoi j'étais ici.
Ma consternation ne put me faire sortir qu'une réponse automatique : " je suis ici parce que je suis dépressive."
Ensuite vinrent les tests de Q.I., qui sont quelque chose que j'aime bien.
Je les réalisai en 2x moins de temps que ce qui était prévu, et ils me semblèrent trop faciles.
Le manque de confiance en moi me fit bientôt douter : peut-être avais-je tout raté.
J'espérais seulement que les psychiatres ne se serviraient pas de ce test pour m'enfoncer encore plus.
J'étais inquiète.
Le stress dû à mon arrestation arbitraire et à ma séquestration eut des conséquences dès le début de mon "séjour " : je développai rapidement une jaunisse,
et fus constipée au point d'avoir des douleurs abdominales atroces au bout de quelques jours : n'étant pourtant pas douillette, j'étais pliée en deux de douleur, et quand celà devint vraiment insupportable, par peur d' une occlusion, je me décidai à leur en parler .
Le soucis est que si un problême vous arrive dans cet endroit, vous ne pouvez pas appeler au secours : aucun contact avec l'extérieur.
Vous êtes obligé de faire avec ce qu'il y a sur place...
Et le malheur est que sur place, il n'y a pas de médecin.( Même pas un psychiâtre ).
( Non, ce n'est pasla Turquieau XIII°s, mais bienla Francedu XX°s !)
Rappelons aussi que les "infirmiers psychiatriques" ne sont pas des infirmiers.
En effet, si les autres ont un diplôme d'Etat, ceux-là n'en ont aucun . Même pas un CAP...( Encore une particularité de cette " discipline médicale" à part ).
Il est remarquable que, dans notre pays, celui qui coupe les tranches de jambon dans une charcuterie doive être qualifié, alors que pour avoir la responsabilité d'êtres humains dans ce genre d'endroits aucune compétence n' est nécessaire.
Les psychiatres, quant à eux, se font appeler "Docteur", alors qu' ils n'ont fait que deux ans de médecine, avant de faire de la psychiatrie, d' après des médecins de ma connaissance.
Les deux personnes de qui je dépendais ( toujours la même infirmière, et une collègue), m'ont donc répondu, sûres d'elles, que ça ne faisait pas assez longtemps pour que ce soit grave... et elles m'ont donné une sorte de gelée qui devait tout arranger ...
Hélas non !
Alors je revins à la charge et obtins des petites pillules noires, que je pris en grand nombre, plusieurs jours d'affilée...Sans résultat.
La douleur devint insupportable.
Si je ne m'étais pas retenue , j'aurais hurlé.
L'affolement me gagna, car je vis qu'elles ne comprendraient rien.
Je me voyais à l'hôpital, ou agonisant ici. ( je savais qu'on mourait d'une occlusion ).
Très vite, je décidai d'agir seule, pour éviter la catastrophe :
Je réussis à y remédier par les moyens "mécaniques" dont je disposais, parce que cette "intervention" me paraissait impérative.
J'étais désolée d'avoir eu à faire ça, mais je ne voyais pas d'autre solution.
Malheureusement, je me suis blessée.
Et le sang pissait sur le WC et sur le bidet en une mare écarlate.
Je me dépêchai de faire disparaître ça pour ne pas avoir plus d'ennuis : ils pouvaient me dire cinglée et prendre des mesures plus sévères...
Je ne voulais pas de vagues .Pas d'embûche sur le chemin plane qui me mènerait vers la sortie.
L'hémorragie s'arrêta enfin, et je fus contente de m'en tirer à si bon compte...
Les conséquences furent que, pendant des jours, je n'ai pas pu m'asseoir, ce que mon infirmière attitrée ne manqua pas de relever, et celà l'amusa beaucoup :
maintes fois, elle plaisanta, à l'adresse de ses collègues, pleine de sous-entendus : " Florence, elle peut pas s'asseoir...! hu! hu! hu! "
Outre les agressions graves, la maltraitance était quotidienne : il fallait subir l'humeur, les petites privations et les petites humiliations de l'infirmière psychiatrique qui
m' était dévolue, celà ne me surprenait pas mais je tâchais de tenir le coup.
Le soir, elle venait pour "papoter" : elle tâchait d'obtenir des révélations qu'elle devait consigner dans un cahier à l'attention du psychiatre, qui traditionnellement ne passe dans le service qu'une foie par semaine...( pour décider de si il double la dose d' abrutissants ou pas).
Le pire, pendant les trois mois où j'ai été enfermée fut pour moiLA FAIM.
C'était quelque chose que je n'avais jamais connu de ma vie, bien sûr, et je pus constater très vite à quel point c'était pénible et obsédant.
Le repas standard de la clinique du Coteau consistait en un petit steack, deux cuillères de haricots verts, une portion de fromage en pub sous plastique transparent, et une pomme ...(était-ce suffisant pour leur clientes d'un certain âge, venues passer leur dépression annuelle ?)
J'avais 21 ans, et l'habitude de me nourrir à chaque repas d'un bon morceau de viande, de deux assiettes bombées de pâtes, et d'un dessert au chocolat ...
J'étais affamée !
Après m' être plainte sans succès à tous ces gens pour avoir plus, (soit on ne me répondait pas, soit on plaisantait : "Il lui faudrait deux plateaux"),
toutes mes actions et toutes mes idées ne tendaient plus que vers un but : trouver de la nourriture.( Sans résultat).
En très peu de temps, j'avais mis en place une stratégie quotidienne pour lutter contre la faim :
je patientais jusqu'aux (légers) repas en m'autorisant de 4 à 6 célèbres barres chocolatées par jour, que je mangeais à intervalles réguliers.
Je me les procurais avec le peu d'argent que j'avais dans les 4 gros distributeurs de bonbons situés au rez-de chaussée. (et dont jusque-là je n'avais pas compris l'utilité.)
Ces "friandises" calaient bien, mais étaient chères : aproximativement 10 francs chaque, à l'époque.
Parfois, cela ne permettait pas de rendre la faim supportable jusqu'à midi.
Alors j'abusais de la cigarette dont j'avais remarqué l'effet coupe-faim...
Le goûter était presque une fête pour moi : je me colmatais l'estomac d'un chocolat chaud agrémenté d'une tranche de pain d'épices.
Lorsque ma mère venait, je la suppliais de m'apporter à bouffer, (je lui faisais des listes), mais elle trouvait plus "correct" de m'apporter des chocolats (dont je n'oublierais jamais la marque), que je pourrais, disait-elle, à l'occasion, "offrir aux infirmières".
Je finnis, en la tannant sans cesse, par obtenir des biscuits.
Après de longs mois d'enfermement dans cette "clinique", réduite à l'état de légume, j'eus droit à quelques "permissions" d'un week-end, après avoir dûment supplié... Je vivais cela comme un véritable retour à la vie, un ancrage à ma vie passée qui me redonnait espoir.
Tournant au ralenti j'étais très impressionnée par le trajet en voiture : je n'avais plus l'habitude ... je ne supportais pas qu'on dépasse les60 km/h.
Arrivée à la maison, mon frère me sortait de la voiture et me transportait sur le canapé où je gisais pendant deux jours.
Je n'étais pas très claire. J'en voulais à ces putains de médicaments qui m'empêchaient de profiter du moment...
J'essayais de leur dire que j'étais contente d'être là, mais ils ne comprenaient pas ce que je disais : je n'articulais pas, et seule de la bave sortait de ma bouche.
Ils me disaient en souriant " de ne pas parler, et de me reposer ".
Mais je faisais chier : je voulais tout le temps dire quelque chose .
Quand arrivait l'heure des médicaments, je voulais m'enfuir. J'essayais de retarder la prise : pourquoi m'en remettaient-ils autant alors que j'étais déjà dans le coma ?
Lors d'un de ces fameux week-ends, je venais d'être déposée sur le canapé, et, le temps de cligner de l'oeil, mon père (qui n'habitait pas ici) apparut assis sur le canapé devant moi.
Alors que je me demandais par quel miracle, il dit :" Tiens, ça y'est, elle se réveille."
On m'expliqua que je venais de faire une crise d'épilepsie ... - je ne m'en rappelais pas - on me dit que j'étais même tombée du canapé, et que mon pére avait été appelé en urgence.
Je paniquai . J'étais révoltée : je n'avais jamais été épileptique !
Je me souuvenais de ce que ma mère m'avait déjà dit sur l'épilepsie et les éventuels dommages au cerveau ...
Il s'avérait qu'en effet les doses étaient trop fortes pour moi.
Les psychiatres n'en avaient rien à foutre.
Je me demandais combien de crises comme celle-là j'avais pu faire là-bas enfermée dans ma chambre, sans que personne s'en aperçoive...
Mes parents ont pris peur et ont quand-même consenti à me retirer du Coteau .
Ce cauchemar était enfin fini ..Je me jurai qu'ils ne m'auraient plus jamais.
Me resta de cet épisode de ma viela Haine, née de la constatation que la justice était un vain mot dans ce pays : les salauds gagnent toujours à la fin.
Pendant des mois, le seul qui en parla encore fut mon père qui ne cessait de maugréer sur sur facture incroyablement salée de mon trop long séjour, -"pour foutre quoi ?"- disait-il, à la clinique machin, "qui coûtait plus cher à la journée que les urgences ! "...
Sortie du Coteau, j'ai habité seule à Pont-deClaix. ( Ma mère a fait le forcing pour que je ne stagne pas trop chez elle .)
Ce que j'ai appris de cette "expérience", c'est qu' ici, la justice n'existe pas.
Tout ça c'est de la foutaise.
C'est le plus salaud qui gagne.
Ceux qui sont punis, en France, ce sont les victimes.
Tout le monde est corrompu. Tout le monde ferme sa gueule.
Comment tirer son épingle du jeu, sans se salir ?
La haine que j'ai depuis pour les psychiatres me donne envie de tuer.
Quelque chose s'est cassé dans ma tête. La confiance .
Là, je ne pensais qu'à la vengeance.
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Ici c'est la jungle.... rien de ce que les adultes t'ont appris n'est vrai !
Tout est mocheté et corruption ... jalousie, haine, agression du plus faible même par celui qui est censé le protéger... Injustice et HAINE .
Ceux qui sont arrivés grâce à la confiance qu'ils pouvaient faire aux autres, ne passent pas forcément le relais ...
Maintenant il faut faire comme les autres.
On ne peut compter que sur soi-même.
Moi aussi, je suis capable de saloperies ... Il le faut !
Le monde entier était devenu mon ennemi . Puisqu'il savait . Et qu'il acceptait .
Puisque la plupart du temps, il pratiquait l'injustice .
Fini la petite fille bien sage, qui essayait de survivre aux agressions qui se succédaient, s'aggravant , cherchant désespérément qui lui apporterait l'écoute et la justice ... alors que les victimes se retrouvent forcément dans des systèmes où leurs interlocuteurs successifs les rabaissent de plus en plus ...
C'est ça. Je n'ai pas eu le temps de grandir . les agressions ont commencé trop tôt . Je n'ai pas les armes .- Pas de chance.
Je vais faire avec ce que j'ai .
J 'allais être aussi salope que les autres : la saloperie et la bassesse, c'est facile !
J'ai décidé que plus personne ne m'emmerderait. Jamais.
Que j'allais faire justice moi-même !
La suite, ma vie, ... peu m' importait ... La Juistice, la JUSTICE.
Mesdames, Messieurs, je n'ai soif que d'une chose : LA JUSTICE .
Thierry V., le psychiatre fou que ma mère m' obligeait à voir, et qui avait décidé de mon internement au Coteau, me fit raconter ce que j' y avais subi.
Puis il me dit que j' étais une menteuse.
Puis il me dit que puisque c' était comme ça, le personnel du Coteau refusait que j' y retourne un jour. ( ! ... )
Thierry V. m' a torturée mentalement pendant des années.
Plus tard, a reçu un blame. Il a dû quitter l' hôpital, où il exerçait.
Il a alors été nommé directeur d' une clinique pour adolescentes anorexiques.
Thierry V. m' a dit : " Vos parents ne seront pas toujours là pour vous protéger. "
Je prends ces menaces très au sérieux.